img007.jpgJe vais commencer par  partager avec vous un moment d'émotion  vécu  ce  Samedi 9 Février 2008. A peine un mois et demi après la disparition du Maître, l'émotion était en effet palpable dans cette grande salle du Palais des sports à Paris où nous nous trouvons pour l'avant dernière représentation du "Tour du monde en 80 minutes", l'oeuvre inachevée de Maurice Béjart qui nous a quitté le 22 Novembre 2007. Nous avions eu la chance de la voir ici même il y a tout juste un an. Il s'était levé péniblement de son fauteuil roulant pour saluer la salle venue applaudir son "Best off" et avait reçu en retour une longue ovation du public. Je souffrais de voir ce grand homme ainsi diminué après avoir été le danseur magnifique que l'on connait. Sans doute avait-il déjà en tête ce projet de ballet que nous contemplons aujourd'hui. Curieusement, je ressens sa présence partout. Dans le grand hall où est accrochée une photo  de lui, souriant avec ses chats, sous le halo d'une lumière semblant venue d'ailleurs j'imagine les artistes qui vont devoir danser seuls. Celui qu'ils considéraient comme leur "père" ne posera plus sur eux son regard bleu protecteur et bienveillant. Ils vont pourtant tout donner, et exécuter les pas du Maître avec une virtuosité époustouflante. Le spectacle débute au Sénégal, hommage de Béjart à un pays dont il était originaire par son arrière grand-mère. La voix du chorégraphe retentit dès le lever de rideau, comme s'il était soudain ressuscité. Une très jolie danseuse noire se déhanche au son des percussions, d'une manière très sensuelle, auprès des danseurs "mâles" qui semblent déjà conquis.
Le tour du monde commence... L'Egypte est d'abord évoquée, mélange de force et de raffinement sur une chanson d'Oum Kalsoum. Nous sommes assis au deuxième rang, tout près de la scène. Je peux voir la musculature parfaite des danseurs, la sueur perle sur les corps. Un léger rictus de souffrance témoigne de l'effort fourni sous le sourire affiché. Quelle beauté, quelle puissance ! Une élégante et gracieuse danseuse évoque maintenant la Grèce, douceur et tendresse sur une mélopée de Théodorakis. Puis nous voici à Venise sur une musique de Vivaldi. La troupe fait une halte à Vienne et revisite le "beau Danube bleu". Le voyage se poursuit dans un déploiement de couleurs, celles de l'Inde, jaune safran, rouge... puis de la Chine. Pour faire le lien entre les différents tableaux, un personnage récurrent, le voyageur, m'évoque Béjart dans ses jeunes années. Petit passage par le pôle sur une musique Tahitienne. Des pingouins dansent en faisant rouler un énorme globe terrestre. N'est ce pas là l'expression des doutes que Béjart nourrissait quant à l'avenir de notre planète et à la problématique du réchauffement climatique ? Mystère.
Petit clin d'oeil à Hamlet où Béjart étincela naguère (le danseur joue avec un crâne) sans oublier Gil Roman, tout de noir vêtu, comme pour porter le deuil, grâve et intense dans emprunt à "Tod in Wien"... La tournée planétaire s'achève par les Etats Unis avec Duke Ellington, puis le carnaval de Rio, multicolore et endiablé interrompu par un coup de tonnerre qui, je suppose, évoque la disparition du chorégraphe. Le décors se décontruit et plonge le plateau dans le noir. C'est déjà la fin. Le temps a passé très vite. La lumière se rallume, les artistes saluent, semblant hésiter entre rire et larmes sous les ovations du public qui se lève. C'est émouvant, troublant. C'est la troupe a présent qui nous applaudit, un pingouin les rejoint et déclenche des rires dans la salle...

Y aura t-il un après Béjart ? Ce dernier spectacle est-il une oeuvre testament ? Des questions se posent. Gil Roman, le fils spirituel de Béjart qui a repris le direction de la compagnie à achevé la scénographie du ballet mais a renoncé a chorégraphier le dernier tableau qui devait voir les voyageurs revenir en terre Sénégalaise sur une musique de Youssou N'Dour.

Pour moi, ce dernier ballet est porteur d'un message de paix et de fraternité. Je voulais rendre hommage à cet homme exceptionnel qui a su mettre l'art dela danse à la portée de tous. Je ne peux me résoudre à l'adieu, il restera pour toujours dans ma mémoire.

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