Vendredi  29 Février. Ce soir, rendez-vous à Paris pour aller voir une adaptation du classique de Racine, BERENICE, mise en scène de Lambert Wilson. Bien que Racine ne soit pas franchement mon auteur de prédilection, je me suis laissée convaincre.

Voici le thème de la pièce : Depuis cinq ans, Titus aime Bérénice, reine de Judée qui a quitté sa Palestine natale pour le suivre jusqu'à Rome. A la mort de l'Empereur Vespasien, son père, Titus accède au trône et détient tous les pouvoirs. Il projette d'épouser Bérénice et demande l'avis de son fidèle conseiller, Paulin. La réponse de celui-ci n'est pas celle qu'il attendait. Il apprend que le peuple de Rome est hostile à ce mariage et n'accepte pas une reine étrangère pour Impératrice. La mort dans l'âme, Titus décide de renoncer à son amour et le sacrifie à son devoir d'Empereur.

En, arrivant dans ce quartier très populaire, je suis surprise par la vétusté des locaux. Tout ici est vieillot, y compris le hall d'entrée dans lequel nous patientons pour attendre un ami qui doit nous rejoindre par le métro. L'endroit ne me plaît pas. Les spectateurs arrivent pourtant en masse, attirés je pense par la bonne publicité faite autour de l'évènement et la notoriété des comédiens. Nous entrons et mon impression se confirme. Cet ancien théâtre a sans doute été très beau par le passé, mais faute d'entretien, je lui trouve des allures de fin du monde. Il semble en effet rescapé de je ne sais quel cataclysme. Installé sur plusieurs étages, et surmonté d'une coupole vitrée, il s'appelait autrefois théâtre Molière. Les balcons sur lesquels on distingue encore le stuc des jours de gloire sont couleur béton, les dorures ont disparu et de grandes banquettes recouvertes de tissus blanc remplacent les fauteuils d'antan. Sur les murs, on distingue des vestiges de colonnades qui se détachent en fond de scène sur une peiture rouge, très écaillée. Notre ami trouve que cela donne du style, il aime bien. Pourquoi pas ? Ce théâtre possède la particularité de ne pas avoir de scène. Les spectateurs des premiers rangs se trouvent donc tout près des comédiens, ce qui est plutôt sympathique. Certains même sont assis sur de gros coussins à même le sol. Un instant je me demande pourquoi des artistes de renom tels que Lambert Wilson et Carole Bouquet ont choisi un tel endroit pour monter ce spectacle. Un court instant seulement car la lumière s'éteint doucement...

Elle se rallume sur une très belle musique Orientale et tout à coup, comme par magie, les colonnades vieillottes du fond de la scène deviennent impériales, le rouge délavé devient ocre, antique et Romain. Bravo aux éclairagistes ! Lambert Wilson alias Titus se fait habiller par ses serviteurs. Aucun mot, le personnage en impose, c'est beau. Il quitte ensuite la scène, comme ça sans rien dire et je reste sur ma faim. La lumière s'éteint de nouveau.

C'est Antiochus qui ouvrele dialogue. Très bien interprété par Fabrice Michel, il capte facilement mon attention. Secrètement amoureux de Bérénice, il a décidé de lui avouer ses sentiments avant de partir pour toujours. Il n'en peut plus de souffrir en silence et se confie à son ami Arsace. Impossible de ne pas être happée par la force de ce texte magnifique en alexandrins. Jusque là, tout va bien. C'est sobre, minimaliste, mais bien joué.

Titus apparaît de nouveau en compagnie du vieux Paulin interprété par Georges Wilson. Il lui fait comprendre que son mariage avec Bénénice est impossible et qu'il va devoir y renoncer. Il fait annoncer la nouvelle à Bérénice. On attend le drame, le déchirement mais rien ne vient. C'est frustrant. Carole Bouquet laisse filer le texte dans un style des plus classiques. Echevelée, le visage défait et en larme, elle tente bien de se montrer crédible mais l'émotion n'y est pas. On découvre un Titus lâche, geignant sans cesse interprété par Lambert Wilson qui semble absent de son personnage. C'est mal joué, très académique et ennuyeux. Je commence à trouver le temps long. Je surveille discrètement les réactions de mes deux amis. L'une baille et soupire en regardant sa montre, quant à l'autre, pourtant très amateur de théâtre classique, il regarde carrément ailleurs. La tête appuyée contre un pilier, il semble plus passionné par ce qui se passe dans la salle. Cela me rassure, je ne suis pas la seule à être lassée, même des alexandrins. Ouf ! C'est fini. Nous applaudissons sans enthousiasme, par pure politesse. BERENICE ne nous laissera pas un souvenir impérissable.

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